L’annonce du 14e Docteur
Nous sommes le 26 Septembre 2020 et les fans de Doctor Who trépignent d’impatience car la prochaine incarnation du Docteur va bientôt être révélée. On avait quitté la 13e Docteur en pleine régénération sans savoir à quoi ressemblerait le suivant et aucune info sérieuse n’avait fuité. La BBC va diffuser un épisode spécial dans lequel sera dévoilé ce nouveau Docteur en pleine action. Le public va donc visionner cette aventure sans avoir la moindre idée de l’identité de leur personnage favori, ni même de l’intrigue. Suivons donc Diane et Wilfrid, amateurs de la série, pendant qu’ils découvrent cet épisode tant attendu.
Plan d’inauguration sur l’espace. La caméra se tourne vers la droite, dévoilant une station spatiale clinquante. Soudain la musique s’emballe tandis que le Tardis surgit du hors-champ comme une furie, pour finalement disparaître derrière la station. Un bandeau noir d’une imagination relative nous annonce alors que nous subissons une ellipse d’une heure. Le noir disparaît pour laisser place à l’intérieur d’un charmant pub anglais absolument typique, si ce n’est que les vitres dévoilent une vue magnifique sur l’espace infini. Quelques personnages pittoresques discutent entre eux, ce qui n’intéresse ni Diane ni Wilfrid qui ont décidé de constituer un très mauvais public tant que la raison de leur visionnage n’aura pas pointé le bout de son nez. Après quelques minutes d’exposition, un sombre et menaçant vaisseau apparaît derrière les vitres accompagné d’une sombre et menaçante partition musicale. Ce vaisseau de méchant envoie un rayon laser diabolique contre le pub spatial qui se trouve immobilisé après quelques exclamations et autres alarmes stridentes. Un hologramme bleu (comme tous les hologrammes) se forme sous les yeux des clients apeurés du pub. Un extra-terrestre sombre et menaçant au design approximatif leur fait l’annonce suivante.
« Nous recherchons un individu extrêmement dangereux qui s’est réfugié dans votre bar spatial. Nous ne pouvons venir le chercher nous-même car la présence de tant d’alcool pourrait nous être fatale [‘Mais quel con, il vient d’expliquer comment les gentils pourront le battre !’ ‘Tais-toi Wilfrid’]. Aussi nous vous sommons de nous le livrer. Vous avez une heure pour ça, passé ce délai nous détruisons votre bâtiment et vous tous avec.
Cet individu se nomme le Docteur et il se terre parmi vous. Trouvez le, et nous épargnerons les autres. Sa cabine bleue est arrivée il y a peu et il n’est pas un humain. Nous n’avons aucune idée de son apparence actuelle, mais soyez certains que ce sera quelqu’un d’intelligent et d’arrogant qui cherchera à vous rallier à son idée. Méfiez-vous des gens qui ont trop de connaissances ou qui cherchent des moyens de s’en sortir sans faire de victime, surtout ceux qui semblent s’y connaître en mécanique. Vous pouvez commencer dès maintenant. »
Et comme il l’avait annoncé, son image disparait de l’hologramme pour laisser place à un énorme compte à rebours difficile à ignorer. Un silence de mort accompagne cette nouvelle tandis que les clients du pub se dévisagent. Pendant ce temps, Diane et Wilfrid sont en ébullition.
– What ? Le Docteur est l’un de ces PNJ ?
– Mais quelle anti-iconisation de ouf !
– On a quoi comme personnages déjà ?
– Chais pas, pour moi c’était juste de la chair à canon qui disparaîtrait dès la fin de l’épisode.
Ils observent alors les candidats qui s’offrent à eux, ce qu’ils auraient dû faire dès le début. Il y a un barman noir au visage dur, une punk rebelle en fauteuil roulant, Daniel Radcliffe qui prend l’air inquiet vêtu d’une cape noire [‘C’est Harry Potter !’ ‘Tais-toi Wilfrid’], un enfant de 8 ans au teint basané et au regard malicieux, une manchote d’origine asiatique pleine d’humour, une femme transgenre déterminée et un ouistiti très très malin et facétieux. Aucun doute, nous sommes bien dans un bar.
– Ok donc le Docteur qu’on va devoir se farcir pour au moins une saison est un de ces zigotos ?
– Les producteurs ont décidé de perdre tous leurs fans c’est pas possible.
– Je vote pour Daniel Radcliffe, c’est le seul homme cis blanc valide glamour du groupe.
– Trop évident. Et trop cher aussi je pense.
– Attends ce serait trop cool, ils pourraient faire plein de blagues méta. Et son tournevis sonique, ce serait sa baguette magique !
– Tais-toi Wilfrid.
Les clients du pub commencent à débattre pour savoir si c’est moral de livrer l’un d’eux à des aliens qui vont vraisemblablement le tuer. La trans leur rappelle que le Docteur est supposé être l’individu qui cherchera des solutions pacifiques, alors plus personne n’ose paraître trop conciliant et tout le monde fait mine de vouloir déloger le mouton noir. L’enfant de 8 ans fait remarquer à Daniel Radcliffe qu’il paraît être arrivé un peu après les autres et que c’est suspect. Daniel Radcliffe répond que ce petit affiche une intelligence anormale pour quelqu’un de son âge et que ça pourrait faire un bon Docteur. L’enfant assène que n’importe quoi peut paraître anormal pour quelqu’un qui se balade avec une cape noire à l’envers. La manchote réagit avec un mémorable « Po Po POOO ! », Diane et Wilfrid aussi. Même le ouistiti jette des cacahuètes sur un Daniel Radcliffe dépité, mais néanmoins rassuré car plus personne ne le soupçonnera d’être le Docteur.
– Et si c’était le singe le Docteur ?
– Il est censé se régénérer en une forme humaine. En plus il parle pas.
– Mais c’est peut-être une feinte.
– Moffat n’est plus à la barre, laisse tomber.
– Ce serait le Docteur Whoistiti !
Diane envisage de changer de pote. Puis elle se rend compte que cette blague est hilarante, alors elle rit.
Pendant ce temps le barman accuse la punk d’être montée à l’étage il y a une heure et d’y avoir fait du boucan. La punk pointe son fauteuil du doigt avec un air très las. Le barman rétorque que son handicap pourrait très bien être faux et servir de couverture. La punk lui fait alors un signe inconnu de la main qui semble être la manière futuriste de présenter son majeur sans choquer le public de la BBC. Elle rétorque aussi que ça aurait été sympa de faire un pub dans lequel elle puisse se balader sans se hisser systématiquement à la force des bras. Le barman lui répond qu’elle n’avait qu’à choisir un autre faux handicap comme couverture. La punk s’en va en rageant.
– Tu trouves pas qu’elle serait cool en Docteur ?
– Et comment elle ferait pour s’enfuir en vitesse ?
– Elle devrait être encore plus astucieuse que d’habitude, compter sur son compagnon, faire rouler super vite son fauteuil, un truc balèze quoi.
– Ou alors les scénaristes cèderont à la facilité et lui fileront juste un fauteuil qui vole.
L’épisode se poursuit avec les disputes des personnages, les accusations sournoises, les révélations sur les uns et les autres. Le suspense monte mais rien n’avance. Wilfrid fait remarquer que l’alien aurait dû dire aux personnages que le Docteur avait 2 cœurs car ça aurait simplifié les choses. Diane lui signale que le méchant ne connaissait peut-être pas cette information, mais c’est surtout pour cacher sa honte de ne pas y avoir pensé plus tôt. Finalement le vaisseau alien revient les voir et leur annonce qu’ils ont échoué et que tout le pub sera donc détruit pour être sûr que le Docteur n’y survive pas. Panique à bord, alarmes en tout sens, appels à l’aide. Mais au moment où les aliens s’apprêtent à frapper, quelque chose cloche. Les commandes ne répondent plus. Quelqu’un a saboté les machines et un Deus Ex Machina très typique de la série va conduire le vaisseau des méchants à se retrouver téléporté à l’autre bout de l’Espace [‘Je l’avais bien dit qu’il n’aurait pas dû révéler que l’alcool est leur point faible’ ‘Tais-toi Wilfrid’]. Les personnages du pub, ainsi que Diane et Wilfrid, comprennent alors que c’est le Docteur qui a accompli cet exploit et qu’il n’avait jamais été dans le pub. Un grand son reconnaissable parmi des milliers se fait entendre dans leur dos. Ils se retournent et aperçoivent le Tardis se matérialiser sous leur yeux.
Diane et Wilfrid n’en peuvent plus d’une telle attente, ils deviennent insupportables et trépignent sur place. Ils voient la porte s’ouvrir et de la fumée en sortir, puis une silhouette se forme.
Steven Moffat apparait avec un énorme sourire victorieux et scande fièrement :
« Eh oui c’est bien moi ! »
Et l’Internet éclata.